Dès le retour du printemps, tout le monde se met à courir. Les grandes courses populaires romandes battent chaque année leur record de participation. Les « 20 km » de Lausanne en sont ainsi à 20’000 participants, tandis que « L’Escalade » à Genève a déjà dépassé les 25’000. En France, une enquête réalisée par Kantar Media a révélé que près de 10% de nos voisins seraient adeptes du jogging, établissant ainsi le « running » comme « le plus grand marché sportif en termes de business ». Alors qu’en est-il de ce côté de la frontière ?
Le marché du « running » en Suisse romande
Samuel Lovey est propriétaire du « running shop » Planet-Endurance à Ecublens. Comme bon nombre de ses concurrents, cela fait moins de 10 ans qu’il a créé son entreprise. Pour saisir sa chance et lancer son affaire à partir de rien, Samuel Lovey a eu besoin d’un investissement initial de 150’000 francs. « Pas grand-chose lorsque l’on sait qu’une affaire qui marche, avec une clientèle établie, se monnaie autour du million de francs ». Avec un chiffre d’affaire annuel de 450’000 francs et une marge d’environ 40% après TVA, son « shop » est aujourd’hui rentable et ses perspectives plutôt réjouissantes : « Pour l’instant la population de coureurs est en croissance sur le bassin lémanique ».
Une concurrence aux moyens illimités
Se tailler une part du gâteau du « running » en Suisse romande n’est cependant pas choses aisée. Les principaux concurrents étant de grandes surfaces telles qu’Athleticum, Ochsner ou Sport XX, respectivement filiales des groupes Manor, Coop et Migros. Des géants qui encaissent près de 60% des revenus d’un marché estimé, par plusieurs acteurs du milieu, à une dizaine de millions de francs par année.
Outre un stock important, les grandes surfaces peuvent tabler sur des moyens quasi illimités pour assurer leur visibilité. Les courses populaires de la région, autour desquels s’articule l’entier du secteur, ont par exemple depuis longtemps signé des partenariats exclusifs avec l’un ou l’autre des groupes cités ci-dessus. Autre exemple de cette lutte inégale ; afin d’assurer la crédibilité de son rayon course à pied, Sport XX a racheté il y a deux ans la marque « Ryffel Running » – nom du magasin spécialisé de l’ex-star suisse du 5000 m –, pour une somme avoisinant les 10 millions.
Une clientèle de passionnés
Face à ces concurrents étouffants, les petits magasins luttent avec leurs propres armes. Si la présence sur internet, l’organisation d’entraînements et les articles dans des revues sont autant de façons de se faire connaître, le meilleur moyen d’assurer sa promotion reste le contact humain et le bouche-à-oreille. La force des « running shop » est d’avoir à faire à un public de passionnés, prêts à investir temps et argent pour avoir ce qui se fait de mieux.
C’est sur ce point que jouent les magasins spécialisés : « La différence se fait au niveau du conseil, les coureurs sont à la recherche de confort » explique Samuel Lovey, « Le client type court deux à trois fois par semaine pour se changer les idées ou garder la forme, sans être riche il a les moyens de se faire plaisir». En tant que spécialiste, il s’agit de proposer tout ce qui touche à la branche du running : « Même les coureurs occasionnels achètent des gels énergétiques, des chaussettes et d’autres accessoires ». Si les chaussures représentent 75% du chiffre d’affaire du magasin, les à-côtés ne sont pas négligeables et permettent au commerce de tourner : « Au début les clients n’achètent qu’une paire de basket, mais ensuite ils se prennent au jeu et veulent le meilleur ». Selon Samuel Lovey, un amateur de course à pied dépenserait chaque année de 300 à 1500 francs pour s’équiper.
Guillaume Laurent